Illustrer un haiku ? Pour quoi faire ? par Marie-Anne Chenerie
Les textes de ces cours poèmes japonais sont courts, structurés, si apparemment simples, sans un seul mot de trop, en voici un qui figure parmi les grands classiques :
« Le voleur a tout pris
Sauf la lune
A ma fenêtre »
Ryôkan
Ce texte nous dérange, nous réveille, nous interpelle, nous avons vécu de moment là, exactement ou de façon symbolique. Mais, et c'est là toute sa force et son originalité, non pas brutalement ou abondamment, mais au contraire, par ce creux, ce possible, qui ne demande qu'à être rempli par l'apport de celui qui lit.
Rien de solennel, rien de long, un signal, une photo, une suggestion fugitive, éphémère, instantané donnée à chacun pour qui la remplisse de sa propre émotion parce qu'il a atteint une zone très intime.
Alors, comment répondre à ce paradoxe : n'est-il pas dangereux de vouloir, par une image, aussi belle soit elle, aussi évocatrice, aussi techniquement parfaite, enfermer le poème dans une signification nécessairement plus étroite que ce que le poète a offert à chaque lecteur, à savoir y retrouver sa propre émotion ? L'émerveillement et le mystère, propres au haïku ne risquent-ils pas de disparaître au profit d'une représentation, celle d'un seul individu ?
Le Groupe Iota, artistes professionnels et amateurs qui pratiquent la gravure dans l'atelier d'Isabelle Munier à Belleville ) a tenté cette expérience, dans le cadre du « Printemps des Poètes » ; une soixantaine de poèmes , chacun illustrés par une gravure – eau forte, monotype, aquatinte … - sont présentés à la Médiathèque de Châtenay-Malabry .
J'en ai retenu trois, qui me paraissent justement respecter cette part de liberté et d'ouverture, en offrant un écho au texte, sans l'enfermer dans une illustration , c'est-à-dire une anecdote, une interprétation .
La gravure de Françoise Rabaté, illustrant le haïku de Keijia .
« Rends moi mes rêves
Corbeau qui réveille
La lune de brume »
Mais il peut aussi y avoir une illustration figurative, du haiku de Kobayashi Issa, comme dans la gravure de Monique Gil, cet instantané, vif , léger , mais plein de possibilités et d'inattendu :
« Sans prendre garde
La grenouille
Franchit ma porte »
Et voici, c'est vrai une interprétation personnelle par Anne Le Menn , mais libre, juvénile dans son attitude presque impossible de cette très jeune fille , du haïku ( toujours Kobayashi Issa) , qui nous parle avec émotion de cet être jeune que nous avons été et que nous sommes encore parfois , même si nous l'exprimons différemment :
« Matin de printemps
Mon ombre aussi
Déborde de joie »
Une gravure est d'abord une empreinte et , comme le haiku, est la trace de ce que nous avons ressenti et vécu et pouvons ainsi transmettre à l'autre, avec l'économie des gris, des blancs et des noirs et la place que nous donnons à la propre interprétation du spectateur.
Informations pratiques :
Exposition « Gravures et Haïku : l’empreinte Ze »n jusqu’au 2 avril 2011.
Des panneaux des vitrines et une vidéo( de Lucas Sensi ) complètent l’exposition des gravures et des haîku en donnant informations sur techniques de la créations des gravures.
Samedi 19 mars, deuxième session du stage de création de haïku avec Thierry Cazals de 14h30 à 17h30, inscriptions au 01 41 87 69 80 http://www.thierrycazals.fr
Samedis 19 et 26 mars de 16h à 17h 30 rencontre avec des graveurs du groupe IOTA.
Samedi 2 avril à 16h à l'auditorium de la médiathèque : concert de la classe d'improvisation libre de Florian Conil par des élèves musiciens et comédiens du conservatoire de Châtenay-Malabry. Après lecture de haïku et sur fond d’une vidéo utilisant les œuvres de l’exposition, les musiciens improvisent en temps réel, de la musique contemporaine à partir de divers instruments tels que harpe, violon, clarinette, piano, marimba.
La Médiathèque 7-9, rue des Vallées 92290 Châtenay Malabry Téléphone : 01 41 87 69 80.
http://www.mediatheque-chatenaymalabry.net
Entrée Gratuite
Horaire : Mardi et jeudi : 14h-18h30, Mercredi : 10h-18h30 Vendredi : 10h-12h / 14h-19h Samedi : 10h-17h30
Accès de Paris : RER B station Robinson puis bus 195 : arrêt Mairie. Se diriger vers l’église, la laisser à droite, descendre la rue devant le lavoir.
