Les Camondo: de Constantinople aux plaines glacées d'Auschwitz par Marie Anne Chenerie
Le musée d'Art et d'Histoire du Judaisme présente « La splendeur des Camondo » , illustrant le parcours de cinq générations de financiers , mécènes , humanistes, artistes . Cette histoire d'une famille éclairée, puissante et généreuse , se termine à Auschwitz , sans descendance . Un seul lieu retient, comme dans un moment figé pour l'éternité , l'essence de ce qu'ont été ces hommes, ces femmes, leur culture et leur morale : c'est le Musée Nissim- de- Camondo, rue de Monceau à Paris .
J'ai choisi de vous décrire ici deux personnalités, deux hommes de cette famille , si opposés dans leur caractère , mais si sincères dans leurs convictions , deux cousins germains, Issac ( 1851/1911 ) et Moise ( 1860 / 1935 ) de Camondo .
Isaac ,à gauche , et des amis musiciens, presque un « dandy » , extraverti, bon vivant , innovant, courageux dans ses soutiens et ses positions, généreux , mais certains diront aussi, éparpillé, souvent critiqué , parfois arbitraire ( mais l'arbitraire d'un collectionneur n'est-il pas justement cette part de personnalité indispensable , qui le différencie du choix que ferait un logiciel ? ) ; il fréquente les coulisses de l'opéra Garnier ; il aura deux enfants qu'il ne reconnaitra pas d'une chanteuse , mais qu'il soutiendra généreusement toute sa vie . C'est aussi un artiste ,compositeur , passionné par la correspondance des sons et des lumières .
Moise, dont la vie semble dominée, presque dirigée, par la mort de son fils Nissim à 19 ans, aviateur dans l'Armée française :il est réservé, conventionnel, fidèle , même au souvenir, discret , je l'imagine solitaire , « the sad fate of a gentleman » comme le dit un de ses contemporains.
Deux personnalités si opposées et qui ont pourtant en commun: l'amour de l'art , la passion de la collection . Leurs choix ont été guidés à la fois par le respect du passé qui s'exprime , par exemple dans le choix des peintres hollandais, ou les meubles du 18è siècle français , la tolérance et le respect de culture étrangère, ( au sens fort du terme, dans son étrangeté ) , avec la collection japonaise , l'ouverture sur le nouveau, parfois , à l'époque le scandaleux :les monotypes de Degas achetés par les Camondo sont d'une modernité étonnante, par exemple .
Bref, un éclectisme , le mariage du respect de la tradition et l'ouverture vers l'inattendu qui sont pour moi, la trace de très grands collectionneurs , qu'ont été ces Juifs venus d'Orient, chargés d'histoire et de tradition, et qui ont porté très haut le flambeau de la culture française, tout aussi également leur culture .
Ce que je trouve particulièrement intéressant , c'est la fin de l'histoire , si liée à leurs personnalités : Isaac a donné, légué , y compris de son vivant, avec toute sa générosité, il a soutenu, financé, dispensé sa vitalité et son argent . Moise , à la mort de son fils , s'est resserré, concentré sur l'hôtel de la rue Monceau , comme si ce petit palais devait servir d'écrin à sa douleur . Et c'est bien cette image que je retiens , l'Hôtel Nissim-de-Camondo sous la neige,
vous y êtes invités, car Moise était généreux , mais « Ne faites pas trop de bruit, ici vit encore un père pour qui l'indicible s'est produit le jour où il a appris la mort de son fils unique »......
Indications pratiques : Musée d'Art et d'Histoire du Judaisme , 71 rue du Temple 75 003 Paris tlj sauf le samedi de 10h à 18h , nocturne jusqu'à 21h le mercredi Entrée : 7 €, TR 4.5 €
A voir aussi : Musée Nissim de Camondo 63, rue de Monceau 75 008 Paris du mercredi au dimanche de10h à 17h 30
A lire : Le dernier des Camondo Pierre Assouline Poche, environ 7 €