Deadline, c'est le point, l'instant, la date , bref la limite au-delà de laquelle il est impossible de corriger, fabriquer, décider , en un mot , de continuer .Et, en anglais, ce mot est associé au mot « mort ». Doit-on comprendre que cette exposition au Musée d'art Moderne est une exposition sur le peintre face à la mort ? Oui, mais je l'ai aussi vue différemment, je l'ai plutôt comprise comme une réflexion sur la création « ultime », à la fois dernière, mais surtout synthèse, aboutissement , passage .
J'ai choisi de vous parler de ce thème à travers trois œuvres exposées ici, si différentes dans leur signification face à notre destinée, mais si complémentaires , et qui m'ont , toutes les trois dans leur différence, extrêmement touchées : celles d'Absalon, jeune artiste israélien mort à 29 ans du sida , celle de Hans Hartung, peintre français d'origine allemande, mort à 85 ans, un des très grands représentants de l'art abstrait et enfin, celle de Gilles Aillaud, peintre français mort à 73 ans , représentant de la « Figuration Narrative » .
Absalon, de son vrai nom Eshel Meir, est diagnostiqué séropositif à 24 ans ; l'exposition montre deux façons de répondre à cette urgence de la mort : la violence, la rage, dans ses vidéos et , ce que j'ai surtout retenu , ses « cellules ». Entre sculpture, design, architecture ( une architecture d'Afrique du Nord) , les compartiments d’Absalon – uniformément recouverts d’une couche de peinture blanche, à l'intérieur comme à l'extérieur – correspondent pour moi à un devoir urgent , à l'injonction de se mettre à distance, de descendre seul vers son « noyau », d'aller dans ses racines , de se nettoyer pour obtenir ce blanc . Faites l'expérience et entrez -y , n'ayez pas peur, c'est une expérience très personnelle: elles sont juste un peu plus petites que notre propre corps, on y rentre bien sûr seul, les fonctions vitales essentielles y sont prévues : on peut y rester en principe des heures, des jours ... être soi même n'est ni simple, ni rapide, ni confortable . Vous êtes forcé au silence, vous qui avez d'abord vu ces constructions comme une cabane d'enfant . Chacun a son propre chemin vers sa vérité pour regarder la mort et peut être ainsi y consentir et la dépasser. Expérience que l'on ne peut ni décrire, ni léguer, ni partager . « Cette mort, personne ne la vivra à ma place, mais , moi, voici comment j'ai choisi de la vivre, en creusant au plus profond de moi même , vers ce vide, pour trouver ce que j'ai d'essentiel, pour peut être l'emmener dans l'ultime passage » . Ce sont les pensées d'Absalon, bien sûr que j'ai imaginées, alternant avec ces accès de rage et de violence , quand le corps reprend le dessus et refuse cet emprisonnement , en réalité , libératoire . J'ai été émue, par ce courage , cette austérité, cette façon d'affronter sa mort annoncée pour l'accompagner. Et je repense à ma première impression : une cabane d'enfant Là aussi, nous avons tous des souvenirs et savons que dans ces lieux clos, trop petits, secrets, nous avons parfois touché au plus profond de nous . Nous en sommes sortis, pour « vivre », mais Absalon , lui, a choisi d'y revenir pour se retrouver soi-même avant la « deadline » .
A venir : Hans Hartung , la créativité exacerbée Gilles Aillaud , l'ultime solitude
Informations pratiques : DEADLINE jusqu'au 10/01/10 Musée d'art moderne de la Ville de Paris 11, avenue du Président Wilson 75 116 Paris Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h , nocturne le jeudi jusqu'à 22h Tarif : 9 € , tarif réduit : 7 €