Soulages au Louvre ! On aura tout vu .... Par Marie Anne Chenerie
C'est mi-décembre, un vendredi à 21 heures , en nocturne au Louvre : peu de monde , une atmosphère calme, concentrée, presque studieuse : j'avais choisi cette heure et cet endroit pour me « reposer » de la foule des grands magasins et de la promiscuité agressive des transports ...L'envie d'aller revoir la peinture italienne , je me dirige donc vers « Le salon Carré » et là , quelque chose me dérange tout de suite : à gauche de la fameuse bataille de San Romano d'Ucello
, je vois un objet que je n'identifie pas tout de suite,tellement notre esprit est préparé à recevoir des choses attendues, dans ces galeries du Louvre, vues et revues, avec leur plancher usé, leurs murs d'une couleur improbable ( ici entre le saumon et le beige, une couleur triste qui « date son musée » ), l'éclairage des rampes de néon , et les échos des conférenciers ...Je n'identifie pas tout de suite une peinture, c'est une intrusion, un désordre , un trou ? , un chantier ? au milieu de ces ors et de ces velours ....
C'est en fait un grand et magnifique « Outrenoir » de Pierre Soulages
qui a choisi ce lieu d'accrochage .
Et voici que ce noir, puissant, brillant , qui accroche et renvoie la lumière , dorée ou bleutée , m'invite à voir , et même à regarder tous les autres noirs de la salle :les vêtements des jeunes hommes italiens bien nés , où les noirs du fond et du vêtement sont un écrin au visage, chef d'oeuvre mis en valeur par le col de dentelle blanc pur, visage lui-même concentré autour du regard , et surtout , voilà que je retourne à « la Bataille » d'Ucello. Je regarde autrement ce cavalier noir : mystérieux , certainement un prince de haute lignée, le seul qui s'expose sans heaume , celui qui va faire basculer la bataille, comme le roi Richard Coeur de Lion dans Ivanhoe Et ce ciel noir et tourmenté : orage, nuit ? Evidemment le présage de grands événements . ..
Et puis j'aime aussi le contraste entre les zones blanches , nettes du Soulages , comme de la lumière filtrant à travers des persiennes et ces masses de noir, presque des sculptures , un vrai défi pour toutes les courbes des tableaux qui l'entourent .
Soulages nous explique pourquoi il a choisi ce lieu d'accrochage , il nous dit toute son admiration de ces oeuvres et comment son tableau leur est « parallèle » ; certes parallèle, mais qui , par sa juxtaposition frontale , nous invite à regarder autrement les couleurs et les formes qui nous entourent . Cette intrusion a réveillé le Salon Carré.
Informations pratiques :
Le musée est ouvert tous les jours de 9h à 18h, sauf le mardi et les jours fériés suivants : le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre. La fermeture des salles commence à 17h30 Nocturnes jusqu'à 22h les mercredi et vendredi (fermeture des salles à partir de 21h30). Plein tarif : 9 € , demi tarif et gratuité dans certaines conditions
A lire : Michel Pastoureau, Histoire d'une couleur : « Noir » Editions du Seuil , 37 € sur Amazon