La BNF présente actuellement les œuvres d’Henri Rivière, figure marquante et attachante, du paysage artistique du début du XXème siècle français.
Cet autodidacte commence, vers 1886, sa carrière en compagnie des montmartrois Théophile Steinlen, Adolphe Willette, et de Rodolphe Salis fondateur du cabaret le Chat noir. Dans cet endroit, les bourgeois venaient s’encanailler et regarder des spectacles, dont le théâtre d’ombre d’Henri Rivière. Il en est le créateur et le metteur en scène. Une des figures de zinc découpé utilisées nous accueille à l’exposition. La silhouette fait songer aux
marionnette de Bali, et nous partons en voyage.
Une série d’eaux-fortes, imprimée en encre bleue, introduisent dans le monde graphique, de cet artiste, nous découvrons une première interprétation du sujet de «l’enterrement aux parapluies». La moitié de la page est une constellation de parapluies noirs dégoulinant d’eau, ils suivent un corbillard qui apparait en petit en haut de la page. Des participants à la procession on ne découvre que le bas du corps, la lumière portant sur le sommet du parapluie, ils deviennent ainsi d’étranges champignons. Henri Rivière sait manipuler le quotidien pour le transformer à sa façon.
Les estampes en couleur réalisée avec des bois gravés, vers 1890, laissent percevoir l’influence des estampes d’Hiroshige (1799-1858) et d’Hokusai(1791-1858), vagues et paysages bretons sont traités comme dans l’esthétique nippone par des aplats et des contours marqués de noir. Une autre procession d’enterrement multiple des plans monochromes, qui font penser à un dessin animé. La mise en parallèle, de superbes estampes japonaise, dont la célèbre vague d’Hokusai, avec les xylographies d’Henri Rivière interpelle, c’est étrange, de voir un environnement breton traité selon des codes stylistiques asiatiques.
Aplats de couleurs et ligne noire sont aussi caractéristiques de la bande dessinée, ses lithographies encore plus que les bois en sont très proches, et l’on comprend l’influence qu’a pu exercer Henri Rivière sur les auteurs de cet univers. La magnifique série des trente six vues de la tour Eiffel variant les cadrages et les luminosités dans une gamme de tons très jaune en est un bon exemple.
La virtuosité technique d’Henri Rivière, qui maitrisait tous les aspects de sa production, de la dilution des pigments pour les encres à l’impression, éclate dans la gravure sur le pardon de Sainte Anne la Palud. Un grand plan, composé de 5 gravures juxtaposées montre l’entourage de la chapelle le jour de ce grand rassemblement religieux, chaque gravure a demandé 10 planches, c’est donc 50 planches qui ont été gravées pour cet ensemble.
De 1897 à 1917, Henri Rivière touchera un grand public par la diffusion de lithographies destinées à la décoration et diffusée avec l’imprimeur Verneau. Les tirages sont plus importants, 1000 pour les 16 exemplaires de la série « Les aspects de la nature ». Il choisit des formats inspirés des kakémonos japonais pour « La féérie des heures ».
Si Henri Rivière dans ses estampes, se montre, grâce ou malgré, sa grande technicité, libre et léger, ses aquarelles sont d’une facture plus appliquée, bien colorées elles jouent peu de la fluidité que peut offrir ce médium. Les sujets, les cadrages et formats sont moins originaux et recherchés, que sur les gravures, mais ces travaux n’avaient pas le même objectif et n’ont que tardivement étés exposés.
Cette belle exposition, est une rétrospective originale d’un peintre graveur trop peu souvent exposé à Paris. Henri Rivière dont l’œuvre a présenté plusieurs aspects comportant des eaux-fortes, des bois, de la lithographie, en passant par des marionnettes, et des panneaux décoratifs, est un témoin du début du XXème siècle. Il est représentatif d’un mode de vie, dédié à poursuivre sur le papier la lumière changeante du ciel.