Paris Tableau , Salon de la peinture Ancienne : à quoi rêvent les marchands? par Marie-Anne Chenerie
Aujourd'hui, n'importe quel acteur du marché de l'art ( français ou international ) vous le dira , un Basquiat se vend beaucoup mieux et incomparablement plus cher qu'un Louise Moillin ou un Lucas Cambiaso, le dernier Modigliani a « fait» 76 M $ à New York et une acrylique sur toile de JonOne, artiste «street art» se vend 32 500 € cet automne chez Artcurial . Savez-vous, comme le souligne le galeriste Jean-François Heim qu'avec le produit de la vente du Modigliani, il est possible de constituer une collection unique de chefs d'oeuvre de l'art ancien ?
Que faire pour affirmer la présence et l'importance de la peinture ancienne, celle sans qui tous ces artistes n'existerait pas et qui reste boudée par le marché . Certes les riches clients du Golfe , de la Chine ou de l'Inde rachètent leurs antiquités et leurs pièces de maitre , mais aujourd'hui, comment valoriser à son juste prix un «fonds d'or» italien, ou la vue intérieure et dépouillée d'une église flamande , ou une page d'études au lavis d'un peintre peu connu ?
La réponse est apportée par 10 grands marchands parisiens : le 16 décembre 2010, ces spécialistes du tableau ancien se réunissaient ( en présentant chacun une de leurs oeuvres préférées ) pour le lancement de Paris Tableau, le premier salon du tableau ancien , avec pour objectif de promouvoir les galeries spécialisées dans la peinture de 1300 aux années 1850, et assurer le rayonnement de la place de Paris, mise à mal par d'autres grands salons .
Alors, à quoi rêve un marchand de tableau ? Tous répondent : acheter, toujours acheter . Ces personnages, brillants, policés, cultivés, souvent , mais pas toujours , génétiquement programmés , comme les Aaron ou les Jonckheere, nous disent tous que, ce qui les fait vivre ( non pas au sens financier mais au sens de l'énergie vitale ) , c'est la recherche, la poursuite , parfois vaine, ou la découverte inattendue , l'émotion extraordinaire qui se retrouve dans une salle des ventes de province devant un dessin apparemment anodin, ou lors de la dispersion d'une collection qui n'intéresse pas les héritiers , trop attirés vers d'autres valeurs .Bref, bien avant la vente , c'est l'achat et tous les risques qui vont avec . Un tableau qui se vend bien est un tableau qui a été bien acheté , et pour réussir l'achat , une seule obligation : avoir «l'oeil» , construit par des années de confrontations avec des oeuvres de toutes qualités.
Oui, mais certains ajoutent avec transparence : pour bien acheter aujourd'hui, il faut aussi de l'argent, parfois beaucoup d'argent.
En effet , aujourd'hui, le marchand est confronté à une autre difficulté, ou une autre opportunité diront certains : Internet a rendu l'offre immense et ouverte , théoriquement à tous, a permis la comparaison des prix et la diffusion des tableaux à une dimension qui n'a plus rien à voir avec les conditions de travail d'il y a seulement quinze ans . Et le marché va si vite qu'un amateur lointain, étranger et fortuné aura lui repéré le tableau, dépêché des « voyeurs», je veux dire des spécialistes qui eux , verront vraiment le tableau et non son image et verrouillé l'achat s'il en est jugé digne . Or , disent tous ces passionnés , un tableau n'est pas une image virtuelle, mais une toile, un châssis, des couches successives de pigment , une histoire , un voyage parmi tous ses possesseurs, comme ces kakemonos japonais sur lesquels chaque acquéreur apposait son sceau et prenaient ainsi part à l'oeuvre d'art . ..
Acheter est devenu difficile et le métier doit changer ..
Mais tous disent leur rêve secret d'acheter un Chardin ou une nature morte aujourd'hui perdue de Goya , mais aussi des peintres moins connus et surtout leur souhait de créer une relation suivie , confiante et réciproque avec un collectionneur .
Mais aussi, quel merveilleux métier ! Savez vous d'ailleurs comme le fait remarquer un des marchands présents , d'où vient le mot négociant ? Cela veut dire étymologiquement celui qui n'a pas de loisir, de repos . Moi je trouve que c'est , en ce qui concerne le marchand d'art , plutôt celui qui a l'immense chance de faire de sa passion son métier et donc pour qui le mot « loisir» n'a plus de sens réel .
Vendre de la peinture ancienne : un métier jeune , qui demande «oeil» et argent, un métier d'émotion .
Cet article a été rédigé suite à la présentation le 16 décembre 2010 du projet « Paris tableau » et des interviews des marchands représentés; les sources- interviews et iconographie – en sont le dossier de presse .
Les dix marchands présents étaient : Hervé Aaron, Eric Coatalem, Georges de Jonckheere, Bertrand Gautier et Bertrand Talabardon, Bob Haboldt , Jean-François Heim, Jacques Leegenhoek, Giovanni Sarti, Claude Vittet .
Paris Tableau, salon de la Peinture Ancienne , du 4 au 8 novembre 2011, à Paris
Président : Maurizio Canesso
.