Au Louvre : « Le Grand Bleu » par Marie-Anne Chenerie
Si l'on vous dit « Salle des Bronzes Antiques » au Louvre , vous allez penser : salle poussiéreuse, solennelle, obscure, objets perdus dans des vitrines un peu tristes , bref, rien de marquant …
Or, aujourd'hui, lorsque vous entrez dans la salle des bronzes, au Louvre, au premier étage de l'aile Sully, vous aurez d'abord le choc de l'immense surface bleue du plafonds : le Musée a confié à l'artiste contemporain américain Cy Twombly la décoration du plafonds , comme précédemment pour Morellet ou Soulages ou Anselme Kieffer.
On peut d'ailleurs souligner que cette politique , que je trouve si riche, s'inscrit en fait dans la tradition du Louvre: Charles le Brun ou Eugène Delacroix y ont donné leurs oeuvres, en tant que « contemporains vivants ». Ce terme de contemporain est donc d'actualité , à toute époque .
Autre surprise , après ce bleu profond , c'est que ce plafonds n'a rien à voir avec les oeuvres traditionnelles de Twombly : cet artiste de 82 ans est connu pour ses toiles ou dessins abstraits , surfaces quasiment blanches , recouvertes de « tâches », griffures, signes, mots...Et quand l'oeuvre est achevée, l'essentiel de la toile reste vierge .
Ici, rien de tel: une surface saturée de bleu « Giotto » ( cette couleur si rare chez Twombly) , avec , en bordure et de façon assez statique , des disques de couleur rompues , beiges, bleuâtres, ivoire, rappelant les boucliers de bronze et sept cartouches à fond très blanc , où sont inscrits au pinceau noir vigoureusement, en caractère grec majuscule, les noms de sept grand sculpteurs grecs, comme Praxitèle ou Phiddias pour les plus connus . Twombly ajoute , avec humour que les Grecs écrivaient sur quasiment tous les supports : vases, murs, boucliers, coupes et que cette pratique, chez lui fondamentale, se retrouve naturellement en accord avec celle de l'Antiquité .
Et puis votre regard se détache du plafond pour observer quelques merveilles, telle ? Si bien mises en valeur par ce bleu , italien, grec, égyptien . J'essaie de vous les montrer par un montage peu orthodoxe, mais il me semble que le bleu est vraiment la couleur qui vient le mieux faire jouer ces verts , kakis, bruns .
Oui, vous n'auriez jamais été voir ces bronzes qui figurent dans nos livres d'histoire , sans l'innovation de ce plafonds. Alors, doublement merci, même si on peut ne pas aimer cette structure un peu formelle, que certains jugent froide, rigide, ( une jeune gardienne de la salle me confie « Moi, je n'aime pas du tout ») , merci de nous avoir rappelé ce bleu antique et de nous avoir donné à admirer quelques petits bronzes, anonymes , à l'inverse des grands noms inscrits au plafonds, mais si vivants .