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25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 16:24
Michel Quarez : «  Je kiffe tes affiches, mec ! » par Marie Anne Chenerie


Cette fois-ci, pas de concept, pas de scénographie sophistiquée ,  pas de « curateur » , pas d'hôtesse en tailleur noir et hauts talons : non une exposition sans prétention, dans un site historique magnifique , l'Hôtel de Sens ( bibliothèque Forney)  , mais des oeuvres si peu classiques et si dynamisantes ! Et, qui plus est ,  de la sérigraphie, une technique qui a toute sa place ici .

Une fois n'est pas coutume, je commence par quelques citations extraites du Livre d'Or de l'exposition :

«  C'é tro bo »

«  Tant de talent , merci Michel »

«  La bibliothèque Forney nous a habitués à des expositions autrement substantielles et intéressantes . Les affiches tirées de leur contexte  n'ont pas grande signification pour un visiteur » 

« Ya de la joie »

«  Trop cool »

«  A  mon avis, les habitants du 9-3 ont droit à quelque chose de moins laid! »

« Ca pète, ça vit »

«  Je suis consternée par ce que j'ai vu »

«  Affiches simplistes et naïves ,.. à l'image du Parti Communiste Français de maintenant »

« Quelle horreur ces affiches sur les murs extérieurs de notre vénérable bibliothèque , débarrassez nous en vite ; signé : une habitante du 4 è , qui évitera le lieu jusqu'en janvier »

«  Merci pour l'espérance »


Voilà , vous voyez, personne n'est  pas indifférent ; alors, il faut juger par vous même, voir l'exposition    et faire le tour de l'Hôtel pour voir ces affiches collées, parfois déchirées et graffitées , comme celle ci ; noter comme celui qui a déchiré l'affiche l'a rendue encore plus tonique, forte, en la soulignant de cette bande blanche puissante .


 















Quelques considérations personnelles, vous savez que je donne mon avis, même quand on ne me le demande pas ...


 Ce qui frappe d'abord, ce sont les couleurs , pures et aussi lourdes, saturées , c'est du vert pétard, du jaune pétard, du bleu pétard ( d'ailleurs n'a-t-il pas fait  toute une série sur le 14 juillet, comme si lui même aimait cette ambiance claquante -ici photo ) et du rose ... si rose , un condensé de rose, surtout à côté de ce vert, si vert ( voir photo en début de cet article ) . Et vous ferez ici cette expérience : une couleur existe surtout  par la couleur qui la jouxte et vice versa . Et le trait noir , presque toujours présent, vient asseoir l'ensemble et sert de référence à chaque couleur . Et si nous  jouons  « l'effet lunettes » , à savoir qu'après avoir vu une vraie oeuvre d'art, notre regard voit ce qui nous entoure par le prisme de l'artiste , je dirais que , en quittant la rue du Figuier , j'ai vu autrement le vert des croix des pharmacies, le jaune des gilets des égoutiers, le rouge du «  petit bonhomme »  des feux de la circulation  , qui venaient s'inscrire sur le fonds de grisaille de la ville , comme une affiche de Quarez sur un mur de banlieue et qui me passaient un message .



Qu'est ce qui fait qu'une oeuvre de Michel Quarez est une affiche et non un tableau ?  L'affiche, quelle qu'elle soit, veut nous dire de faire quelque chose , souvent de façon directe et immédiate : acheter ( surtout ) , se faire vacciner, regarder sous les sièges du métro, ne pas mettre ses doigts dans les portes du métro , signer une pétition, donner de l'argent ... Le tableau , lui, nous donne à voir , au lieu de nous demander de faire : il nous dit aussi bien sûr quelque chose , mais il nous dit surtout comment l'artiste a vu le visage, le paysage, le corps, la nature morte qu'il peint , et émet à travers cette vision transposée avec des pinceaux et de la couleur ou de matières gravées ou imprimées  , des messages, parfois directs, parfois plus subtils . Ici, nous avons un travail qui est celui d'un affichiste, il nous dit «  la piscine de ... est ouverte », mais il peint l'eau d'une piscine vue par dessous et le spectacle  toujours surprenant  et souvent drôle d'un nageur vu sous l'eau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 





Examinons maintenant cette critique : « les affiches de Carrez défigurent les sites, plus spécialement les murs chargés d'histoire ». je pose ici une photo prise dans le quartier , sans aucune  affiche sur ces murs : vous y voyez de beaux vieux murs , et des nuances de gris  et beige fort subtiles, surtout si elles se mêlent aux nuances du ciel parisien . Vous le verrez et ne le regarderez pas , sauf si un guide vous signale que c'est dans cet immeuble que la reine X recevait ses amants (ceci n'est bien sûr qu'un exemple totalement gratuit) .


Maintenant, imaginez que Quarez y a placé cette affiche ou ce morceau d'affiche et vous verrez tous les gris, beiges, blancs, bruns se composer pour répondre à ces couleurs, comme s'ils étaient mis au défi de « bien se tenir » . Et de la même façon les couleurs «  pétard » de l'affiche se sentiront posées, assises , confortées par cet entourage historique, subtil, complexe : simplicité et complexité se répondront , couleur pures et nuances se valoriseront, contours  dépouillés et lignes subtiles se correspondront  . On n'existe que par ce qui est différent ...Ce n'est pas irrespectueux de mettre une affiche de Quarez sur un mur chargé d'histoire, cela va le faire parler, le révéler  au contraire ! Et ce serait la même chose sur un mur de périphérique,  sur une palissade de chantier, voire sur les carreaux en céramique des stations de métro, mais bien plus trivial que sur un monument historique . Au passage , rassurons  le visiteur  qui a exprimé son indignation dans le livre d'or : l'ensemble a été réalisé avec des architectes des monuments historiques et la colle ne se verra plus quand les affiches seront enlevées . 


Dernière question : la couleur est-elle un médium gai ? Le noir et le gris sont ils tristes ? Eh bien, peut être serez vous surpris et direz vous que j'étais mélancolique  le jour où j'ai vu l'exposition, mais je trouve, paradoxalement qu'il se dégage une sorte de  tristesse pour  certaines affiches . Bien sûr , il y a le mouvement , l'humour, Quarez, aime manifestement les lieux qu'il vante, mais plus que de la gaité , j'y  vois de l'espérance comme l'a dit un visiteur anonyme : notre quotidien n'est peut être ni facile ni gai, mais, bougeons, dansons, marchons, ne restons pas immobiles .  La réduction couleur = gaieté n'est donc pas aussi simple . Mais les couleurs en mouvement de Quarez, nous ont «  fait du bien » , comme il le dit lui même «  l'affiche n'a même pas le pouvoir de communiquer (..), en fin de compte , elle peut tout juste faire du bien comme un massage »

 

Bon je m'arrête ici , sinon, on va me dire – à juste titre – que je suis trop longue – et je termine par cette scène souvent vue en banlieue : ces jeunes qui s'habillent en noir, blanc, gris ( le summum étant un keffieh à carreaux gris noirs , blancs sur un blouson blanc et un pantalon gris ) et tout d'un coup, un ou ou deux ou trois d'entre eux  portant un blouson dont je ne citerai pas la marque, uni, jaune saturé, bleu claquant ou vert dense, ( vous savez , ces blousons avec une capuche et dont les  cordons  de capuche sont blancs)  . Et ce blouson-là  fait vibrer toutes les nuances de gris  des vêtements de ses amis, du ciel de Nanterre et des gares de RER ; le lendemain, ce sera lui qui portera le blouson blanc à motifs gris et son amie le blouson rouge magenta . Je vous dis, c'est «  l'effet lunettes » de Michel Quarez , qui, je le précise en passant, a 71 ans !


Merci aux personnes de l'exposition qui m'ont répondu avec gentillesse, m'ont permis de prendre des photos, et de relever les citations du livre d'or ( j'y ai pris le titre de cet article )  et merci aussi à la jeune demoiselle qui m'a conseillée et aidée pour cette  signature :

 : )  I L M-Q <3  ) I L M-Q <3



Bibliothèque Forney

1, rue du Figuier

métro saint Paul / Pont Marie

jusqu'au 2 janvier 2010

du mardi au samedi 13h /19h

entrée: 4 € , tarif réduit 2 €


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