Han Hartung : la créativité exacerbée
L'exposition deadline nous montre la réponse de différents artistes , confrontés à l'imminence de leur mort : Absalon, lui, a choisi , dès l'annonce de sa maladie , de revenir au plus profond de lui même dans une espace singulier, transportable , individuel .
Pour Hans Hartung, il en est tout autre chose . Mais avant de parler de lui et de ses dernières oeuvres exposées au Musée d'Art Moderne, je voudrais simplement insister sur le fait que, tant que le mot FIN n'est pas inscrit au bas d'un manuscrit, dans le coin d'un tableau ou même aux derniers moments d'une vie d'homme, rien n'est terminé, voire rien n'existe : si " ultime " veut dire dernier, final, terminal, c'est ce qui s'est passé juste avant qui nous passionne . Voici un de ses derniers tableaux , et l'on ne peut être que frappé par ce rose et ce jaune si chauds, cette gamme chromatique qui est celle d'un printemps ou d'un été , par ces formes noires , non pas morbides ici, mais qui viennent souligner par leur tension l'équilibre du tableau :énergie, gestuelle, couleurs, voilà la façon qu'a choisi Hartung pour écrire le mot " FIN "
A l'âge de 82 ans , il est atteint d'un accident vasculaire cérébral, qui le laisse avec une mobilité réduite . Et voici que justement, dans ces trois dernières années, dès son retour à l'atelier, il créée 650 oeuvres; rendez vous compte : si je fais un calcul très bête – il est vraiment sommaire mon calcul! – un tableau , immense de surcroit car il a choisi de très grands formats ( souvent 3 mètres sur 3 ou 4mètres) – tous les 2 jours , avant de mourir à 85 ans .
Le voici dans son atelier; il travaille avec des assistants, ,il met au point un système de projection de peinture utilisant des pulvérisateurs de la vigne ou des vergers ; il est libre , justement, car la fin approche et il doit dire ce qui est le plus important pour lui. C'est comme si sa maladie et l'imminence du mot " FIN "avait déblayé le passage pour cette énergie , cette joie. J 'aime cette opiniâtreté , un peu enfantine, mais si touchante, de l'homme dans son fauteuil roulant , qui à l'inverse d'Aillaud, va poursuivre jusqu'au bout. :il y a encore un possible "connu " qui nous est donné avant " "l'inconnu ". Et l'existence ne peut être scellée que lorsqu'elle est allée jusqu'au bout .
Non, il n'y a pas de projet sans date limite, il n'y a pas d'oeuvre sans le mot " FIN ", et si au delà de cette limite , notre ticket était toujours valable ? , je ne suis pas certaine que Hartung nous aurait donné ces explosions colorées , ces réflexions pensives , ces merveilles .